CYB
Baroque abstrait
Ce qui parle dans le terme portugais « barocco » c’est l’irrégularité sinon la difformité d’une perle, unique dans son écart à la rotondité attendue, dissemblable à l’attente _ comme le charme de l’impromptu dans l’existence, l’irruption du hors norme, de l’extra-ordinaire. Ce qui parle c’est l’inouï donc. Une voix venue d’ailleurs ? Une voix en rupture, en décalage, comme l’arc-en-ciel contraste avec le gris de la pluie soudain illuminée de soleil.
Ma peinture relève de ce que j’appelle « Baroque abstrait », parce qu’il s’agit de creuser l’instant dans ce qu’il a d’inouï précisément, de singulier, d’unique, « baroque » ; « abstrait » parce que la matière de ce creusement consiste d’abord en couleurs, en intensités et contrastes, puis en formes. La question de la représentation référencée à la réalité_ dans l’acception ordinaire de ce mot _ n’est que seconde, voire accessoire, inessentielle à ma démarche, même quand cette question est posée.
Mes toiles « Venise » ou « Kyoto » relèvent bien du « Baroque abstrait » : une Venise tropicale, sensations d’un déséquilibre reconquis sur la saveur acidulée des flots, un Kyoto en surplomb qui fait surgir des tigres rouges des rochers, des kimonos bariolés aux plis soyeux de la pierre, et les eaux torrentueuses, bouillonnantes, du jaune et du rose à la fois ensablés.
Kairê Delta (2017)
L’extravagant ne reflète que l’inattention de l’habitude ; pour le peintre « baroque abstrait » il sourd d’un creusement patient, joyeux et aimant de l’instant.
CYB
Juin 2017
Abstract Baroque
What the Portuguese term “barocco” originally designates is the irregularity, if not the deformity, of a pearl, unique in its difference from the expected roundness, dissimilar to the expectation -- like the charm of the impromptu in the existence, the sudden appearance of the unconventional, the extra-ordinary. It defines what is unheard of. A voice coming from elsewhere? A discordant voice, at any rate, like the contrasting revelation of a rainbow when the grayness of the rain is suddenly illuminated by the sun.
I call my painting “Abstract Baroque”, because it results from digging in the instant what it is precisely unheard of, singular, unique, “baroque”. “Abstract” because what comes out of this excavation is first of all colors, intensities and contrasts, and only later shapes into forms. Representation in connection with what is generally considered “reality” is only secondary, incidental, inessential to my approach, even when this question arises.
My “Venice” or “Kyoto” paintings do belong to this “Abstract Baroque” style : a tropical Venice, feelings of imbalance recaptured on the acidity of the waves; an overhanging Kyoto bringing forth red tigers from the rocks, colorful kimonos in the silky folds of the stone, and torrential, boiling waters of yellow and pink, ultimately sinking in the sand.
Kairê Gamma (2016)
What we call extravagant only reflects our lack of attention in routine. For the “Abstract Baroque” painter it is the fruit of a patient, joyful, and loving digging of the instant.
CYB
June 2017